15 janvier 2009 : l'amérissage miraculeux sur l'Hudson, à New York (2024)

Le temps est froid (- 6 °C) mais merveilleusem*nt clair, ce 15 janvier 2009, à l'aéroport LaGuardia, à New York. Dans le co*ckpit de l'Airbus A320 du vol US Airways 1549, qui doit rejoindre la ville de Charlotte, en Caroline du Nord, le commandant Chesley Sullenberger, dit « Sully », et son copilote Jeff Skiles. Détendus, les deux hommes à la carrière sans tache terminent les procédures de routine. Ils sont en parfaite santé, très expérimentés, et ne boivent pas, comme l'établiront plus tard les enquêtes.

Brun souriant, moustachu et athlétique, Skiles, 49 ans, a 15 600 heures de vol, mais seulement 37 sur l'A320. Sully, 57 ans, chevelure et moustache blanches, bouille joviale, a piloté son premier avion à 16 ans. Il a tout emmené dans le ciel, des simples planeurs jusqu'aux mastodontes de l'aviation civile, en passant par les avions militaires Phantom de l'US Air Force, où il a servi dans les années 1970.

L'un de ses plus proches collègues parle de lui ainsi : « Un homme exceptionnellement intelligent, poli et professionnel. » Ce jour-là, Sully totalise 19 600 heures de vol, dont 4 700 sur l'A320. Mais ce sont les minutes suivantes qui l'inscriront dans l'éternité.

« Les deux réacteurs nous lâchent »

A 15 h 25, l'avion s'élance sur la piste 4 de l'aéroport, situé dans une zone très urbanisée de quartier du Queens, à l'est de Manhattan. Deux minutes plus tard, l'Airbus est à 2 800 pieds (un peu plus de 850 mètres) : la zone rouge redoutée des pilotes, où se produit un tiers des accidents aériens. Quand, soudain, des ombres traversent le co*ckpit. « Des oiseaux*... », dit Sully.

C'est une nuée d'oies bernaches du Canada, une espèce migratrice dont les spécimens peuvent peser plus de 6 kilos. Des chocs sourds retentissent dans la cabine quand les oies heurtent la carlingue, et que deux au moins sont aspirées par chacun des réacteurs. L'avion perd brutalement de la vitesse.

« Oh ! oh ! » lance le copilote. « Les deux nous lâchent », signale Sully. Une poignée de secondes plus tard, il déconnecte le pilote automatique et reprend les commandes. Il prévient, laconique, la tour de contrôle. Toute hésitation peut désormais provoquer une catastrophe. Les alarmes hurlent. Sully ordonne à son copilote de consulter le « Quick Reference Handbook », un petit manuel d'urgence, et sonne l'alerte à la radio : « Mayday, mayday, mayday. Nous avons heurté des oiseaux, nous n'avons plus de poussée sur aucun des deux réacteurs. Nous retournons vers LaGuardia. » La tour de contrôle lui répond de virer sur sa gauche à 220 degrés, ce qu'il fait, dans l'axe du fleuve Hudson.

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A 15 h 27, Sully déconnecte le pilote automatique et reprend les commandes. Toute hésitation peut désormais provoquer une catastrophe. (Titwane pour Le Parisien Week-End)

Avec un calme stupéfiant, le duo tente alors la procédure de relance des réacteurs détaillée dans le fameux manuel. Skiles lit : « S'il reste du carburant, moteur, sélectionner allumage. » Sully accomplit la manoeuvre : « Allumage. » Skiles : « Poussée ralentie, confirmation. » Sully : « Ralentie. » Quatre secondes plus tard, Skiles scrute les instruments : « Il faut une vitesse optimale, 300 noeuds. On n'a pas ça. » Sully : « On ne l'a pas. » L'avion est en perdition.

La tour de contrôle de LaGuardia propose un atterrissage sur la piste 13. Sully répond : « On en est incapables. On pourrait bien finir dans l'Hudson. » Le commandant est obnubilé par un risque : s'il retourne vers LaGuardia, il devra survoler Manhattan, où il risque de provoquer l'apocalypse en s'écrasant juste à côté du théâtre des attentats du 11 septembre 2001.

L'avion se dirige vers la piste 13 mais une alarme de trafic retentit. « Piste 4 disponible », relance le contrôle. « Je ne suis pas sûr qu'on puisse atteindre quelque piste que ce soit. Euh, qu'est-ce qu'on a sur notre droite, dans le New Jersey... Peut-être Teterboro ? » dit Sully. C'est un petit aéroport situé à une vingtaine de kilomètres de Manhattan.

Un seul cri dans un silence de terreur

Mais l'avion flanche gravement, perd de l'altitude et une nouvelle alarme retentit, le GPWS (qui signale la proximité du sol). A 15 h 29, pour la première fois, Sully allume la radio de bord et s'adresse aux passagers. « Ici le commandant. Préparez-vous à l'impact. »Les 150 passagers, tétanisés depuis le décollage, comprennent alors qu'ils sont au seuil de la mort. Tandis que l'équipage leur hurle de se pencher, ils se mettent en position, en larmes, en prières, tremblants ou en silence.

Sur le siège 2D, John Howell, un comptable, songe à son frère, un pompier mort dans le Word Trade Center le 11 septembre 2001. « Les parents seront fous de chagrin », pense-t-il. Laura Zych et Ben Bostich, deux étrangers qui ont échangé des regards dans la file d'attente à l'embarquement, et sont assis à trois sièges de distance, se regardent à nouveau. Ils formeront un couple après leur survie miraculeuse. Lori Lightner songe bizarrement aux employés qu'elle licencie dans les supermarchés qu'elle dirige. Elle quittera son emploi pour la Croix-Rouge après l'accident. Stephanie King, une avocate qui doit se marier prochainement, fond en larmes les yeux clos, en pensant à l'homme qu'elle aime.

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A 15 h 29, l'équipage hurle aux passagers de se pencher pour se préparer à l'impact.(Titwane pour Le Parisien Week-End)

Les derniers indicateurs de puissance des réacteurs s'éteignent. Au contrôle aérien qui lui demande quelle piste il choisit à Teterboro, Sully répond : « On ne peut pas le faire. On va se retrouver dans l'Hudson. » L'avion descend vers le fleuve, manoeuvre terrifiante où il faut réduire la vitesse mais pas trop, faute de voir l'avion perdre sa portance et couler comme un vulgaire caillou dans les eaux sombres.

« Sors les volets, sors les volets ! » ordonne Sully. Skiles : « Volets sortis. 250 pieds. » L'avion est à moins de 80 mètres de l'eau. Skiles : « Deux volets, tu veux plus ? » L'avion descend à quelques dizaines de mètres de l'eau. Sully : « Non. Deux, c'est bon... Tu as une idée ? » Skiles : « En fait... Non. »

A 15 h 30, cinq minutes après le décollage, Sully annonce : « On va se préparer. » Il n'y a curieusem*nt qu'un seul cri de passager, dans un silence de terreur. Un choc quand la queue heurte l'eau en premier, l'avion bascule sur la gauche, tourne... et s'immobilise. L'appareil descendait à 120 noeuds, 220 kilomètres/heure environ, juste assez pour ne pas se briser.

L'avion est intact, il flotte. Seuls quatre passagers et un membre de l'équipage ont été légèrement blessés. Par chance, alors que cet équipement n'était pas requis sur ce vol, les six portes de l'appareil sont équipées de radeaux pneumatiques qui se gonflent automatiquement. L'eau monte rapidement dans l'avion à l'ouverture des portes. Les passagers du fond de l'appareil, qui voient l'eau monter jusqu'à leur thorax, crient. Une file hystérique se forme près de chaque sortie.

Sully et Skiles aident les passagers à descendre. Ils remarquent que certains ne portent pas de gilets de sauvetage. Ils vont donc en chercher sous les sièges et leur passent. Quand tout le monde semble être descendu, les deux pilotes arpentent une dernière fois l'avion. Ils prennent leurs affaires dans le co*ckpit. Puis sortent tranquillement par l'avant. Déjà, les bateaux affluent de New York. L'Airbus coule rapidement.

« Je n'ai fait que mon travail »

Dans les mois qui suivront, on cherchera des poux dans la tête de Sully, auquel il sera reproché de n'être pas retourné à LaGuardia ou à Teterboro, ce qui aurait permis de sauver un avion à 100 millions de dollars. Des simulations sembleront en effet dans un premier temps démontrer que c'était possible... à condition d'effectuer un demi-tour immédiat après la rencontre avec les oiseaux. Les deux hommes ont réduit à néant cette accusation infamante et ridicule.

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L'eau monte rapidement dans l'avion à l'ouverture des portes. Par chance, l'appareil est équipé de radeaux pneumatiques qui se gonflent automatiquement.(Titwane pour Le Parisien Week-End)

Ils seront ensuite célébrés dans le monde entier. Clint Eastwood racontera leur histoire dans « Sully », un film sorti en 2016, avec Tom Hanks dans le rôle-titre. Sully a toujours refusé de se voir en héros : « Je n'ai fait que mon travail. » Son conseil? « Laisser son ego à la porte et se dire qu'on va faire quelque chose d'utile. »

Retraité, il est devenu consultant, a écrit plusieurs livres. Dans l'un d'eux, « Making a Difference» (Faire la différence, publié en 2012), il fait témoigner des hommes et des femmes qui ont agi avec courage dans diverses situations. Selon lui, « il y a plein de gens qui font ce genre de choses dans la vie de tous les jours ».

* Les dialogues des pilotes ont été traduits de l'anglais depuis la transcription officielle de l'enregistrement conservé dans chaque avion.

Ce récit est nourri du rapport du NTSB (autorité américaine officielle d'enquête sur les accidents aériens), de témoignages de rescapés publiés dans des journaux new-yorkais et le quotidien britannique «The Guardian »et d'un entretien de Sully accordé à la chaîne de télé CNN. La reconstitution a été effectuée avec l'aide d'Alexandre Salomé, commandant de bord, et de Paul Dalmasso, avocat et pilote amateur.

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